Parole de Delphine Delamain, photographe du bon et du beau

Parole de photographe, c’est un entretien privilégié avec un photographe professionnel au savoir-faire affirmé. L’occasion de découvrir le parcours, le quotidien et les réalisations d’un photographe inspirant.

Pour ce trente-septième Parole de Photographe, nous vous proposons un entretien passionnant avec Delphine Delamain, photographe culinaire mais pas que, au service du beau et du bon.

© Sylvie Lezier

Son parcours

Bonjour Delphine, très heureux de t’accueillir  dans ce Parole de Photographe consacré à ton activité de photographe professionnelle. Commençons par les présentations d’usage !

Bonjour Pierre-Louis, je m’appelle Delphine Delamain, je suis à l’aube de la quarantaine. Photographe à mon compte depuis 2007, je suis depuis 2019 associée à mon conjoint Olivier Graff, également photographe. Nous nous présentons plus généralement comme des producteurs de contenus photos et vidéos, de la création jusqu’à la publication, sous le nom DG VISUAL DESIGNER et travaillons principalement pour les professionnels. Nos domaines de prédilection étant ceux de la gastronomie, de l’industrie, ainsi que le patrimoine culturel et artistique.

Ma spécialité photographique est la photographie culinaire et de nature morte, que j’enseigne également avec plaisir par le biais de l’Atelier de Charles (partenaire de Label Photographie !). Je voue un culte sans borne au Design, à la Mode, au Beau, au Portrait, à l’Artisanat et la création artistique d’ordre général. Tous ces domaines ne sont finalement que des façons de raconter les histoires que nous vivons au quotidien, notre rôle en tant que professionnel et artiste est de témoigner du mieux que nous pouvons !

Une photographe culinaire qui parle de design et de mode, c’est peu commun. J’imagine que les arts et lettres occupent une place de choix dans ta vie.

En effet, et j’ai sans nul doute un côté Épicurien dans l’âme. J’aime aussi beaucoup la philosophie et les lettres. D’ailleurs si je ne devais garder qu’un seul livre cela serait l’œuvre de Rostand : Cyrano de Bergerac.

Passionnée par l’histoire de l’Art en autre, le Cinéma, je suis avide de curiosité tout comme le serait un cabinet de curiosités. La vie est une aventure, un théâtre à ciel ouvert, où nous jouons tous notre propre rôle, c’est simple et beau à la fois !

Hé bien, quel début d’entretien !  Abordons maintenant ton entrée et tes débuts dans le monde de la photographie : quel fut l’élément déclencheur te concernant ?

C’est une passion que ma communiqué mon père très tôt, dès mes 8 ans. Il adorait prendre en photo les couchers de soleil, et c’est tout naturellement qu’il a mis entre mes mains son Nikkormat de l’époque avec toute une flotte d’objectifs.

La photo a donc toujours été une passion, mais je n’ai jamais vraiment voulu en faire mon métier. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être architecte d’intérieure. J’ai eu la chance très tôt de savoir ce que je voulais faire et dès le collège, je savais déjà dans quelle école j’irais plus tard : celle de l’Ecole Supérieure d’Architecture d’Intérieure de Lyon.

Mon entrée dans l’univers professionnel de la photographie est issue d’une succession de rencontres toutes hasardeuses et qui m’ont conduit bon an mal an jusqu’ici.

Ton parcours de formation doit donc témoigner de cette passion pour l’architecture et le design.

Tout à fait ! Je suis issue d’une formation artistique en école d’architecture intérieure de Lyon. Après 5 années d’étude et mon diplôme en poche, j’ai monté un premier bureau de création. Mais le déclic en photographie s’est fait dès ma 3ème année d’étude.

Lors de mon intégration, le directeur d’établissement connaissant mon attrait pour la photographie, m’a poussé à participer à un concours photo organisé par la ville de Lyon.
A l’époque, nous sommes en 2002, il s’agissait de faire un suivi de travaux du chantier de « la salle 3000 » aujourd’hui renommé l’Amphithéâtre de Lyon, sur la durée totale du chantier, c’est à dire 3 ans. Tous les vendredis nous étions sur le chantier. Je travaillais encore avec le Nikkormat de mon papa, tout en manuel, tout en argentique.

J’ai accepté volontiers, d’abord car le créateur du chantier, Renzo Piano, est l’un de mes architectes préférés, et d’autre part parce que la photo à toujours été une passion. Ce que j’appréciais le plus avec l’argentique, c’était quelque chose d’inimaginable aujourd’hui : l’attente ! Car pour faire mes meilleures photos de l’époque, il fallait choisir la bonne marque de pellicules photos : je travaillais exclusivement avec des Fujifilm afin d’obtenir des couleurs froides et intenses, (merci d’ailleurs au laboratoire Picto qui était notre partenaire sur le projet à l’époque). Puis j’ai dû attendre parfois des heures, que les nuages passent afin d’avoir le bon rayon de soleil par exemple, et j’adorais y allais juste après l’orage, car avec la pluie les couleurs étaient encore plus vives, comme si la nature était plus gorgée de vie que d’habitude.

C’est aussi à cette période que j’ai découvert ma sainte trinité d’aujourd’hui, qui me suit à chaque instant dans ma pratique de la photographie : les formes, les couleurs, les matières.

Mon directeur d’école et mon directeur de mémoire, trouvaient que j’avais « l’Œil » comme ils disaient « cela ne s’apprend pas, on l’a ou pas, il se travaille certes mais tu as ce petit quelques choses en plus » ce à quoi je répondais avec amusement « que j’en avais même deux, ma mère ayant bien travaillé en cassant le moule à ma naissance » Je vous rassure, j’ai toujours le même humour aujourd’hui qui ne fait rire que moi !

Après avoir monté ce bureau de création en 2007, je me suis consacrée entièrement à la photographie depuis.

Son style

Avec un tel bagage artistique, comment as-tu construit ton identité visuelle ?

 Un adage dit : « Donnez-moi 6 heures pour abattre un arbre et j’en passerai 4 à affuter ma hache ». C’est un peu ma philosophie concernant mon travail photographique. Je prends vraiment le temps de poser le projet artistique ou la demande client en amont. Une fois chaque détail posé et assemblé, la technique vient compléter le travail artistique, sans jamais le supplanter.

Ainsi, mon travail ne se résume pas à connaître mon boitier ou mes éclairages, pour cela des tutos YouTube suffisent. C’est surtout bien connaître le sujet à traiter et d’y apporter une vision artistique, une « patte » que j’ai mis plus de 20 ans à développer et que je continue à faire évoluer.

Mon œil et mon esprit ont été aiguisés et ont tout absorbé avec passion durant des années d’études sur la conception et le travail dans l’espace. J’ai englouti avec un plaisir non dissimulé des années d’histoire de l’art, d’histoire de l’architecture, de la couleur, du sens du détail ainsi que la symbolique des choses. Mais plus qu’une philosophie, ma sainte trinité « forme, couleur, matière », est devenu une véritable religion pour moi, une méthodologie de travail, un axe sur lequel repose ma carrière et qui m’impose une exigence importante dans mon travail.

Aujourd’hui mon univers philosophique et photographique tend de manière prononcée vers un concept japonais : le Wabi-Sabi ou l’idéalisation abstraite de la beauté de ce qui nous entoure.

Ses anecdotes

Place aux anecdotes !  A travers tes différents projets et rencontres, aurais-tu une anecdote marquante à nous partager ?

Alors, mon meilleur souvenir est également associé au pire. Le 7 avril 2014, j’ai subi une opération à la suite d’une maladie orpheline avec laquelle je cohabite depuis mon adolescence. Il m’a ainsi été retiré la quasi-totalité de mon estomac, de mon intestin, ma vésicule biliaire et j’en oublie probablement. Il est aisé de comprendre pourquoi cette période est ancrée en moi comme la pire. Mais c’est aussi la date du tournant clé de ma carrière de photographe !

Depuis, la photographie culinaire est devenue un exutoire pour moi. Ne pouvant plus manger correctement pendant plusieurs années, je me nourrissais au quotidien avec les yeux. J’étais et je suis encore la plus heureuse du monde quand je dois compter l’histoire d’un produit en une seule et même photo ! Manger avec les yeux, et faire saliver les autres, voilà un but que je me targue d’atteindre à chaque fois, quelque soit le client. S’il ne me dit pas la phrase magique « j’ai faim » en voyant ma photo, alors c’est qu j’ai échoué dans mon travail. Ma perfection, ma raison d’être est là.

Tu as réussi à transformer une telle épreuve en une force incroyable, c’est un exemple qui pousse à l’humilité. Sur le même principe, as-tu une photo marquante à nous partager ici ?

La photo la plus marquante est sans nul doute ma toute première Nature Morte en lumière naturelle, qui m’a valu de rentrer comme formatrice à l’Atelier de Charles. Ludovic son dirigeant avait complétement craqué dessus, et m’a demandé de créer une formation sur la photographie culinaire, que j’assure depuis 2019. La nature morte fait partie de mon passe-temps préféré en photo, hors commande client !

Ses projets

Nous arrivons déjà à la fin de ce trente-septième “Parole de Photographe”. L’occasion de nous parler de tes projets dans les mois à venir !

On a déménagé il y a seulement 3 mois dans une maison avec mon compagnon et associé Olivier Graff. Actuellement je suis donc entrain d’aménager une petite pièce d’une vingtaine de mètres carré qui me sert d’Atelier, c’est mon petit cabinet de curiosité personnel, où l’on retrouvera tout mon univers d’artiste plasticienne, ainsi que ma petite collection de pas moins de 5000 pièces de vaisselles et autres,  ce qui me permet de faire mes photos culinaires tout en m’occupant du stylisme également. Un peu de peinture par ci, de la sculpture par là, mon petit paradis quoi !

Nous avons également pas mal de projets professionnels à venir, des expositions, et surtout la création de notre marque DG COLORDROPS, qui sera consacrée à la création de fonds photos entièrement réalisés et peints à la main. A découvrir bientôt !

Un dernier mot ?

Je terminerai juste avec une citation de Stieglitz qui disait « en photographie, il y a une réalité si subtile, qu’elle devient plus réelle que la réalité »

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